Ouled Fayet ou le haouch de la tribu des Ouled Faïed (*)

07/09/2023 mis à jour: 07:33
10612
Ouled Fayet Les Ecoles et la mairie - Photo : D. R.

La ville d’Ouled Fayet est implantée dans l’un des sites les plus remarquables du massif du Sahel algérois. Sa position offre des échappées de vues magnifiques et sa proximité immédiate de la mer et de la capitale constitue un bel atout parmi tant d’autres qui font d’elle l’une des plus importantes villes des environs d’Alger. Celle-ci devait en souvenir ,de la tribu autochtone qui y séjournait autrefois, s’appeler Ouled Faïed, un toponyme qui sera au fil des années, légèrement modifiée par les Européens en Ouled Fayet. Le centre originel fut créé dans le voisinage d’une source abondante qui alimentait l’oued Bridja. Ce dernier est un petit ruisseau qui coule sur une partie de son territoire, se déversant à la fin de son cours dans la grande bleue.

Sous la Régence turque, Ouled Fayet faisait partie du fameux outane Ben Khelil qui fut l’un des onze arrondissements qui formaient l’organisation administrative de l’ancienne Régence d’Alger. Ce dernier était un espace géographique très étendu, naguère administré par une importante tribu qu’on surnommait Ben Khelil, alors installée dans la Mitidja près de Boufarik.

Il faut signaler que jusqu’en 1836, l’outane de Ben Khelil était composé de quatorze cantons, à savoir Ouled Fayet, Maelma, Douéra, Ben Chaâoua, Outa Boufarik, Merdja Boufarik, H’mada Boufarik, Melouane, Bouinane, Tefcha, Aâmroussa, Béni Kina, Sidi Moussa et Zemmaga.

La commune d’Ouled Fayet sera, dès sa fondation en 1842, mise sous la tutelle de la commune voisine de Dély Ibrahim dans la circonscription d’Alger. Pour faire ériger le nouveau village, l’administration coloniale se chargeait à titre gracieux de la construction d’une enceinte défensive, du tracé et du nivellement des chaussées.

L’approvisionnement en eau était réalisé au moyen d’une conduite d’eau souterraine, raccordée à des lavoirs et des abreuvoirs placés à la sortie du centre de colonisation.  Au même moment, divers projets furent accordés par le gouvernement en place, pour l’édification de bâtiments publics, comme l’église, le presbytère, l’école, la mairie et la gendarmerie.

Un pied à terre pour les colons alsaciens

Les émigrants venus de France via les ports de Marseille ou de Toulon étaient systématiquement transférés par convois de chariots vers leur destination finale à Ouled Fayet. A l’époque, le futur quartier, qui allait les accueillir, avait encore, l’aspect d’une contrée abandonnée aux herbes folles et aux animaux sauvages.

Les familles pionnières, qui avaient peuplé ce nouveau centre de population, étaient presque toutes originaires d’Alsace.

Celles-ci devaient elles-mêmes construire leurs maisons, avec des outils qu’on avait mis à leur disposition. Elles recevaient également des semences, des bêtes des labours et des arbres à planter. Les terrains voués à la culture, qui leur avaient été octroyés, furent au préalable partiellement défrichés par les soldats. L’unique condition, qui leur avait été imposée, était de justifier un apport personnel d’argent de 1500 anciens francs.

Entre 1844 et 1845, on enregistra un taux de mortalité très important chez cette nouvelle colonie qui était, par ailleurs, employée au nivellement et défrichement des terres.

Ces migrants devaient sans cesse lutter pour s’adapter à des conditions climatiques différentes de celles qu’ils avaient connues chez eux en Europe. Les résidents de cette toute jeune commune se livraient plus particulièrement à la céréaliculture, au maraichage et à l’élevage de bétail qui était rendu possible grâce à l’abondance des pâturages.

Un colon âgé alors de neuf ans nous livre son témoignage dans cet extrait, à propos d’une aventure entreprise en famille pour émigrer en Algérie, dans les années 1845 : «Le bateau était déjà parti de Toulon. Avec mon frère plus âgé que moi et mes deux sœurs nous embarquâmes sur un autre voilier. Lorsque nous arrivâmes à Ouled Fayet, toutes les concessions étaient déjà octroyées par l’administration. Mon père me plaça en tant que berger, tandis que lui et mon frère travaillaient la journée en contrepartie de modiques salaires.

Bien des fois dans la ferme où je bossais, je cassais avec des pierres les palmiers nains pour en manger le cœur, à défaut je me nourrissais d’escargot, afin d’apaiser ma faim. Beaucoup de colons allaient chercher la soupe au couvent de la Trappe (ville de Bouchaoui actuellement)...»

Ce territoire d’Ouled Fayet a maintes fois été le théâtre d’affrontements sanglants entre des colonnes coloniales et les troupes de la fantasia. C’est en ces lieux chargés d’histoire que le 1er mai 1841, des fantassins et des cavaliers de la résistance algérienne lançaient une attaque surprise sur un détachement de la légion étrangère. Cet assaut entraîna la mort d’une quarantaine de légionnaires.

Le noyau primitif autour duquel l’agglomération avait pris son essor pour devenir ce qu’elle est maintenant se situait à 400 mètres environ d’une ancienne tour de guet. Celle-ci, autrefois émergeant d’un bois de pins, était perchée sur une colline surplombant, à la fois la sublime vallée des grands vents, la plaine du littoral et la mer Méditerranée dont on peut apercevoir le rivage dans le lointain.

C’est dans cette commune qu’en 1873, se mariait le grand père d'Albert Camus, avec une fille originaire d'Ouled Fayet, dénommée Marie Hortense Cormery. De cette union naquit Lucien Auguste Camus, le père d'Albert.

Le hameau primitif d’Ouled Fayet ne comptait au départ que quelques maisons groupées autour d’un bassin-abreuvoir et une petite église. A mesure que le temps passait, ce dernier s’agrandissait avec l’apparition de nouvelles habitations qui venaient sans cesse s’ajouter au bâti déjà existant.

Conformément à la loi de 1984, portant réorganisation territoriale des communes, Ouled Fayet devient une municipalité de la wilaya de Tipasa, formée, en ce temps-là, de huit localités parmi lesquelles Maison- Blanche, Pont américain, Grands Vents, Domaine Kouchi et Plateau Ouled Fayet.

A hauteur d’un grand carrefour qui fut récemment aménagé à deux kilomètres du centre-ville d’Ouled Fayet existe un ancien corps de ferme coloniale. Celui-ci abrite un vieux puits autrefois, doté d’une noria, couverte d’une petite construction ayant l’aspect d’une coupole badigeonnée à la chaux.

Les autochtones attribuaient cette espèce de qûbba à un saint personnage nommé Sidi Bouserdouk. Plus loin de là, en bordure de la route de Souidania, se voyait blotti dans le décor agreste d’un grand ravin boisé le dôme d’un autre marabout appelé Sidi Lekhal.

 

Copyright 2024 . All Rights Reserved.